La pêche teintée à l’économie bleue : retour sur la loi Leroy

La proposition de loi pour l’économie bleue, préparée et défendue par le Député Arnaud Leroy a été définitivement adoptée par l’Assemblée Nationale le 1er juin 2016 et par le Sénat le 7 juin 2016. Elle a été promulguée le 20 juin 2016 et publiée au journal officiel le 21 juin 2016.

Ce texte, tout comme le projet de loi sur la biodiversité a été l’occasion de dépôt d’amendements et d’attaques systématiques de certains groupes politiques, notamment sur le sujet de l’encadrement de la pêche profonde, attaques auxquelles le Secrétaire d’Etat, Alain Vidalies, a fait face ainsi que certains élus de la majorité et du groupe Le Républicains.
Ainsi, globalement, les amendements qui auraient pu porter préjudice à l’aquaculture et la pêche ont été rejetés (ou retirés).

Il est présenté ci-après de manière succincte et non exhaustive les principales mesures ayant un impact pour le secteur des pêches et des élevages marins ou pour la profession de marins.

Evolutions concernant les navires et la profession de marins

La loi pour l’économie bleue porte la réforme du rôle d’équipage, notion devenue au fur et à mesure du temps difficilement compréhensible. Avec son adoption, il ne reste plus que deux titres de navigation (au lieu des trois titres de navigation qui existaient précédemment : rôle d’équipage, permis de circulation et carte de circulation).
Ainsi, sera délivré à l’avenir :
– un permis d’armement (nouvelle appellation du rôle d’équipage) uniquement aux navires dont l’équipage comprend au moins un marin.
– ou une carte de circulation dès lors qu’aucun marin n’est embarqué à son bord. Elles seront visées annuellement.
En conséquence, ont été abrogés les titres II, III et V de la loi du 1er avril 1942 sur les titres de navigation qui précisaient les critères d’attribution des différents titres de navigation.

Cette réforme du rôle d’équipage participe à la démarche actuelle de simplification administrative. Il convient néanmoins, à ce stade, d’attendre les dispositions réglementaires permettant la mise en œuvre plus concrète de cette réforme. Ainsi, le projet de décret est en cours d’élaboration par les services de la Direction des affaires maritimes, sa publication étant attendue au plus tard le 21 décembre 2016 (soit dans les 6 mois de la publication de la loi).

Article 15 de la loi – Article L5231-2 et suivants du Code des transports.

 

Les membres d’équipage seront considérés comme embarqués pendant toute la durée de leur inscription sur la liste d’équipage, cette inscription vaudra déclaration préalable à l’embauche. Il ne sera plus nécessaire de transmettre une copie des contrats des marins aux autorités.

Article 16 de la loi – Articles L5511-3 et L5542-5 du Code des transports

 

La loi introduit par ailleurs une nouvelle notion dans le code des transports : l’état des services sur lequel est identifié l’ensemble des marins d’une entreprise d’armement maritime pour un ou plusieurs navires exploités.

Article 17 de la loi – L5551-3 du Code des transports

 

Elle introduit également une distinction entre les marins à la pêche et les marins du commerce, sans que la portée de cette distinction soit encore bien identifiée et en donne leur définition.
Ainsi, sont des marins à la pêche : «les gens de mer exerçant une activité directement liée à l’exploitation des navires affectés à une activité de pêche relevant de la convention n°188 de l’organisation internationale du travail relative au travail dans la pêche, adoptée à Genève le 14 juin 2007».

Article 32 de la Loi – Article L5511-1 du Code des transports

 

Elle revient sur les conditions de moralité applicables aux marins exerçant certaines fonctions à bord d’un navire. Ainsi pour le secteur pêche, la loi supprime l’exigence de condition de moralité pour l’exercice des fonctions de chef mécanicien à la pêche (sauf si ce dernier exerce par ailleurs la fonction d’officier en charge de la suppléance du capitaine) et elle renvoie à un décret pour définir « notamment les mentions portées au bulletin n° 2 du casier judiciaire qui sont compatibles avec l’exercice des fonctions de capitaine, d’officier en charge de sa suppléance, […] ».
Par ailleurs, elle supprime l’octroi de prérogatives de puissance publique pour les capitaines de navire armé en petite pêche (sortant moins de 24 heures en mer) ou en cultures marines (navires conchylicoles).
Le CNPMEM suit particulièrement ce dossier en partenariat avec le CRPMEM de Bretagne concernant les mesures réglementaires nécessaires à son application. Un projet de décret modifiant le décret du 2 juin 2015 est ainsi en cours d’élaboration par les services de la Direction des affaires maritimes.

Articles 34 et 35 de la loi – Articles L5521-4 et L5521-5 du Code des transports

 

Elle tend à résoudre les difficultés liées à l’application de l’indemnité de nourriture à la pêche. La modification introduite à l’article L5542-18 du Code des transports devrait permettre de différencier les conditions de versement de l’indemnité de nourriture à la pêche de celles applicables au commerce. En effet, à la pêche, un accord collectif pourra prévoir la période ouvrant droit au versement d’une indemnité de nourriture, période qui ne peut être inférieure à la durée de l’embarquement effectif.
Pour mémoire, l’indemnité de nourriture n’est due que si la nourriture n’est pas fournie à bord du navire. Les frais de nourriture peuvent être imputés sur les frais communs en application de l’accord à la pêche artisanale du 28 mars 2001.

Article 36 de la Loi – Article L5542-18 du Code des transports.

 

Elle prévoit l’ouverture du pavillon RIF aux navires de pêche en 1ère catégorie de navigation et armés en grande pêche travaillant dans les zones définies par voie réglementaire (à venir donc).

Article 49 de la Loi – Article L5611-2 du Code des transports

 

Elle prévoit enfin la remise par le Gouvernement au Parlement d’un rapport portant « sur les axes possibles d’adaptation du régime de protection sociale des marins dans l’objectif d’accroitre tant l’attractivité du métier de marin que la compétitivité des entreprises », dans les 6 mois de la publication de la loi.

Article 46 de la Loi

 

Evolutions pour le secteur pêche

Elle renforce les prérogatives des gardes jurés en matière de contrôle des infractions en les autorisant dorénavant à procéder à la recherche et la constatation de celles-ci :
– « Entre huit heures et vingt heures dans tous les locaux ou installations à usage professionnel et à bord des moyens de transport utilisés pour l’exercice des professions relatives à la pêche maritime ou l’aquaculture marine, la transformation, la commercialisation, le transport, l’importation et l’exportation des produits issus de la pêche maritime ou de l’aquaculture marine ; et
– En dehors de ces heures, dans les locaux ou installations mentionnés au 3° lorsqu’ils sont ouverts au public ou lorsqu’une activité de transformation, de conditionnement, de transport ou de commercialisation y est en cours. ».
Dorénavant les gardes jurés sont également autorisés à procéder à des prélèvements aux fins d’analyse sur des produits ou des animaux soumis à leur contrôle.

Article 75 de la Loi – article L942-2 du Code rural et de la pêche maritime

 

Elle réforme le statut de la société de pêche artisanale en ouvrant le capital social à des financeurs extérieurs.

Article 75 de la Loi – article L931-2 du Code rural et de la pêche maritime

 

Elle prévoit un surclassement de deux catégories ENIM par rapport à la dernière activité embarquée pour les marins exerçant les fonctions électives de Président de Comités des pêches ou de la conchyliculture pour la durée de leur mandat. Les cotisations et contributions afférentes seront calculées sur la base du taux applicable aux services embarqués et feront l’objet d’une compensation par l’Etat au profit de l’ENIM.

Article 77 de la Loi – Article L5552-16 et L5553-11-1 du Code des transports

 

Par ailleurs, elle prévoit à l’article 16 un rapport à remettre au Parlement par le Gouvernement dans les 6 mois de la publication de la loi sur « les possibilités et les conditions, pour les pêcheurs et les aquaculteurs, d’une diversification de leur activité par le tourisme, notamment le pescatourisme et la commercialisation directe des produits de la pêche, transformés ou non ».

Article 16 de la Loi

 

Son adoption a également permis de donner une assise législative à des dispositions réglementaires ou communautaires pour leurs applications : l’âge maximal pour les élections aux comités des pêches, le pouvoir de sanction des organisations de producteur à l’égard de leurs adhérents et la possibilité d’ouvrir des fonds de mutualisation.

Articles 75 et 78 de la Loi